L’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) n’est plus. En effet, après plusieurs « toilettages » de cette forme juridique, le législateur a fini par la supprimer, au profit d’un statut unique, qui se veut plus protecteur de l’entrepreneur individuel. C’est ce qui ressort de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
Les convictions du législateur à la création de ce statut juridique. On pensait pourtant que cette forme d’entreprise était promue à un bel avenir. Du moins, c’est cette conviction qui animait le législateur en 2010, lors de la création de ce statut juridique, car il s’agissait avant tout de permettre à l’entrepreneur individuel, qui le souhaitait, de se constituer un patrimoine professionnel séparé de son patrimoine personnel, sans créer de société.
Il faut reconnaître que ce statut juridique était pourtant avantageux dans le texte. En effet, au regard des nombreux risques auxquels pouvaient se confronter l’entrepreneur individuel, une telle protection juridique lui permettait assurément de débuter son activité avec un peu plus de sérénité.
L’EIRL, un statut compliqué à mettre en place dans la pratique. Dès lors, on peut se demander pourquoi l’EIRL n’a pas rencontré le succès escompté ? Pour répondre à cette question, il est possible de faire appel au pragmatisme qui règne sur le terrain. En effet, sur le terrain, l’entrepreneur individuel étant bien souvent une personne dotée d’une trésorerie modeste, souhaitant par ailleurs ne pas s’encombrer de lourdeur administrative, l’option pour un tel statut aussi complexe (au regard des formalités), outre le coût qu’il engendre, était nécessairement voué à l’échec. Raison pour laquelle en 2021, sur 3 millions d’entrepreneurs, seulement 91 174 avaient opté pour l’EIRL (à la fin du mois de Juin 2021).
Des tentatives de sauvetage, par le législateur, restées vaines. Le législateur était forcément conscient des complexités engendrées par ce statut. C’est d’ailleurs pourquoi plusieurs tentatives de sauvetage ont été réalisées, c’est le cas en 2012[1], en 2014[2], en 2015[3], en 2016[4], et en 2019 avec la loi PACTE[5]. Néanmoins, ces différentes modifications législatives n’ont pas amélioré la situation. Bien au contraire, initialement complexe, l’EIRL s’est alors retrouvée sous une multitude de textes qui ont eu pour effet de la rendre encore plus ambiguë au regard des profanes.
Une suppression bienvenue. Conscient de tout cela, outre l’échec cuisant que ce statut a rencontré en dépit de ses avantages certains, le législateur a donc fini par le supprimer, avec la loi du 14 février 2022, au profit d’une nouvelle stratégie de simplification.
Les particularités du nouveau statut unique. C’est ainsi que les statuts juridiques de l’entrepreneur individuel, c’est-à-dire son statut commun et le statut de l’EIRL, ont été refondus pour laisser place à un seul statut. Ce dernier reprend les avantages du statut commun et de l’EIRL dans l’optique d’une meilleure protection juridique. Ces avantages sont essentiellement les suivants :
– La création d’un statut unique protecteur du patrimoine personnel. Dorénavant, l’ensemble du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel sera protégé. De ce fait, il devient par défaut insaisissable par les créanciers professionnels, sauf si l’entrepreneur en décide autrement. Il convient de préciser que seuls les éléments utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel pourront être saisis en cas de défaillance professionnelle.
– Le régime fiscal est par ailleurs harmonisé. Aussi, dans le nouveau statut unique, l’entrepreneur est imposé par défaut à l’impôt sur le revenu (IR) qu’il soit un commerçant (BIC) ou une profession libérale (BNC). Il convient de souligner que si vous êtes au régime réel d’imposition, une option à l’impôt société (IS) pourra être demandée auprès de votre centre des impôts. Vous aurez donc toujours la possibilité d’arbitrer votre mode de rémunération et d’imposition.
– L’élargissement des conditions d’accès de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) aux indépendants qui arrêtent définitivement leur activité devenue non viable.
– La transmission ou la transformation dorénavant facilitée pour l’entreprise individuelle.
Quid des personnes d’ores et déjà sous le statut d’EIRL. De telles dispositions bénéficieront elles également aux détenteurs actuels d’EIRL ? La réponse à cette question est simple : les entrepreneurs individuels existants et créés avant 2022 conserveront toujours leur statut en EIRL. Les créances et dettes qui dateront de 2022 ne pourront pas faire l’objet d’un rappel sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur. Pour les créations d’entreprises individuelles à compter du 1er janvier 2022 vous serez considéré automatiquement sous la forme de ce nouveau statut unique individuel.
Pour finir, il convient de rappeler que la mise en place d’une entreprise n’est pas anodine en ce qui concerne la sécurisation du patrimoine personnel de l’entrepreneur, ou de son patrimoine commun s’il se trouve en couple. Il existe néanmoins des leviers de protection juridique qu’il conviendra de mettre en place en fonction de votre situation.
Je reste bien entendu à votre disposition, si vous souhaitez être accompagné dans la mise en place de votre entreprise en toute sécurité.
Maître BEN AYDI
Avocat à Lyon,
Docteur en Droit, droit des sociétés, droit des affaires
Intervient partout sur le territoire national
06.52.65.95.80
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Décret n° 2012-122 du 30 janvier 2012 : régime comptable et fiscal du patrimoine affecté des EIRL, Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 : l’article 32 fixe à 16 ans révolu, l’âge nécessaire pour créer et gérer une EIRL ↑
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Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 : simplification du passage vers le régime de l’EIRL et des obligations comptables ; le portail economie.gouv.fr présente les principales mesures de la loi ↑
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Décret n° 2015-913 du 24 juillet 2015 : modalités de transfert et de rattachement d’une EIRL à un autre registre ↑
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La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, et son décret d’application du 25 avril 2017 qui simplifie le droit des sociétés et de l’EIRL : fixation à 30 000 euros du montant maximal d’un apport en nature, suppression de l’obligation de transmission au greffe du tribunal des documents comptables annuels pour l’EIRL ayant déposé sa déclaration d’affectation au registre de l’agriculture… ↑
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Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte) : articles 7 et 11, et le Décret n° 2019-987 du 25 septembre 2019. ↑
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